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Vente à la découpe et préemption du locataire : le décret du 17 septembre 2020 apporte d’utiles précisions

Quand un propriétaire possède en bloc un immeuble, occupé par des locataires et qu’il souhaite le vendre par lots à des acquéreurs en le divisant ou en le subdivisant, l’article 10, I de la loi n° 75-13.351 du 31 décembre 1975 organise une protection spécifique des locataires en leur accordant un droit de préemption.

Le régime juridique de ce droit de préemption a connu des évolutions notables à la faveur d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) de 2018 (Cons. Constit., 9 janvier 2018, n° 2017-683 QPC) dans laquelle le Conseil Constitutionnel a notamment déclaré inconstitutionnel le droit de préemption subsidiaire qui avait été conféré à la Commune par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite ALUR, en cas de refus de préemption du locataire.

Par ailleurs, cette QPC a été l’occasion de mieux préciser le champ d’application temporel de ce droit de préemption. Le requérant soutenait une atteinte au droit de propriété en raison de l’imprécision de la notion de vente « consécutive » à la division de l’immeuble. Dans son cas, la première vente intervenait plus de 40 ans après la division initiale du bien. Or, la loi de 1975 ne prévoit pas de délai maximum entre la division des locaux et l’exercice du droit de préemption.

En se basant sur l’objectif d’intérêt général poursuivi par le législateur de 1975, consistant à permettre aux locataires de se maintenir dans leur logement, face à la menace, dans le cadre d’une opération spéculative, de se voir signifier leur congé, à l’échéance de leur bail par l’acheteur de leur local, le Conseil Constitutionnel a considéré que ce qui était vrai pour le locataire de l’immeuble au moment de sa division, ne l’est plus pour celui qui lui succède après cette division. Ce dernier est dans la même situation que le locataire d’un immeuble divisé, dès sa construction, auquel le juge judiciaire a considéré que le droit de préemption n’était pas applicable (Cass. Civ. 3e, 19 février 1992, n° 90-12.677).

Le Conseil Constitutionnel a donc émis une réserve d’interprétation suivant laquelle la protection apportée par le législateur ne saurait, sans méconnaître le droit de propriété, bénéficier à un locataire ou à un occupant de bonne foi dont le bail ou l’occupation sont postérieurs à la division ou la subdivision de l’immeuble.

Cette réserve est désormais intégrée dans la règlementation.

En effet, le décret n° 2020-1150 du 17 septembre 2020, publié le 19 septembre 2020 et applicable le 20 septembre 2020, est venu modifier le décret n° 77-742 du 30 juin 1977, d’application de la loi de 1975.

L’article premier de ce décret est complété d’un deuxième alinéa qui précise que l’article 10, I ne s’applique pas « au locataire ou à l’occupant de bonne foi dont le bail ou l’occupation est postérieur à la division ou à la subdivision de l’immeuble ».

Par conséquent, le droit de préemption ne peut plus bénéficier qu’au seul locataire dont le contrat de location est antérieur à la division ou à la subdivision d’un immeuble.

Cette précision porteuse de sécurité juridique est importante dans un domaine qui en manque rsingulièrement. D’ailleurs, espérons qu’elle puisse raviver le débat sur la notion de « division » qui constitue le point de départ du droit de préemption. Faut-il considérer la division juridique de l’immeuble, résultant de la seule publication d’un état descriptif de division au Service de la Publicité Foncière, ou est-ce que la division matérielle prime ?

En 2005, La Cour de cassation s’est prononcée en faveur de la première (Cass. Civ. 3e, 8 juin 2005, n° 04-12.999), jetant ainsi le trouble sur une série de décisions antérieures en faveur de la seconde. Ceci avant de revenir, précisément, à la division matérielle (Cass. Civ. 3e, 17 décembre 2014, n° 13-20.976), mais sans pour autant la mettre à l’honneur, cet arrêt n’ayant pas été distingué d’une publication au bulletin…

Vincent Vendrell

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28/09/2020