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Changement d’usage – Nouvel outil règlementaire de limitation de la transformation des locaux commerciaux en meublés de tourisme

Si l’encadrement du changement d’usage d’un local destiné à l’habitation existe depuis plusieurs années au travers des articles L. 631-7 à L. 631-9 du Code de la construction et de l’habitation, la possibilité d’encadrer la transformation de locaux commerciaux en meublés de tourisme est récente puisqu’elle résulte d’une loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.

L’article 55 de cette loi a modifié l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme et a inséré un alinéa IV bis aux termes duquel, sous certaines conditions, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.

Un décret d’application était toutefois nécessaire pour l’entrée en vigueur de cette disposition afin de préciser les modalités pratiques d’application de cette nouvelle règlementation.

C’est désormais chose faite puisque le décret n° 2021-757 relatif à la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme apportant les précisions nécessaires pour l’application de la procédure a été publié le 11 juin 2021.

En pratique, dans l’hypothèse d’un projet consistant en la transformation d’un local commercial en meublé de tourisme dans une Commune dans laquelle la règlementation susvisée est applicable, le porteur dudit projet devra faire une demande d’autorisation dont le contenu et la procédure varient selon que la transformation du local commercial en meublé de tourisme constitue, par ailleurs, un changement de destination soumis à permis de construire ou à déclaration préalable :

  • Si la transformation du local commercial ne constitue pas un changement de destination soumis à permis de construire ou à déclaration préalable, une demande comportant les renseignements visés à l’article R. 324-1-6 du Code du tourisme devra être déposée auprès de la mairie du lieu de situation du local ;
  • Si tel est le cas, le décret précise que l’autorisation délivrée au titre du IV bis de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme tiendra lieu de permis de construire ou de déclaration préalable à condition toutefois que le dossier de demande d’autorisation d’urbanisme précise que ladite demande est également faite en application du IV bis de l’article L. 324-1-1 susvisé et comporte les éléments mentionnés à l’article R. 324-1-6.

La Commune de Paris s’est déjà saisie de ce nouvel outil. En effet, par une délibération du 15 décembre 2021 (publiée au Bulletin Officiel de la Ville de Paris le 18 janvier 2022, délibération 2021 DLH 460), cette dernière a décidé de soumettre à autorisation la transformation des locaux commerciaux en meublés de tourisme.

La mise en place de cette règlementation est toutefois encadrée.

Premièrement, elle ne peut être mise en œuvre sur l’ensemble du territoire national. Seules les Communes soumises de plein droit ou volontairement à la règlementation du changement d’usage et ayant mis en place la procédure d’enregistrement des meublés de tourisme, peuvent décider de réglementer la transformation des locaux commerciaux en meublés de tourisme.

C’est notamment le cas de la Métropole et de la Commune de Lyon qui, par deux délibérations en date des 18 et 20 décembre 2017, ont mis en place une nouvelle règlementation en application de laquelle tout propriétaire souhaitant proposer un bien situé à Lyon à la location en tant que meublé de tourisme devra déclarer cette activité afin d’obtenir un numéro d’enregistrement. Si ce bien est situé dans « l’hypercentre » tel que ce dernier a été défini dans le Règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement de locaux d’habitation annexé aux délibérations susvisées, une obligation de compensation s’impose.

Deuxièmement, la délibération devra justifier l’instauration de cette règlementation et notamment préciser « les principes de mise en œuvre des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services » ainsi que les critères utilisés pour l’octroi de l’autorisation en vue de la transformation du local commercial en meublé de tourisme. Ces critères pourront être mis en œuvre de manière différenciée sur le territoire de la Commune afin de tenir compte des spécificités de chaque quartier et secteur. À Paris, l’ensemble du territoire est couvert par ce nouveau régime et sont notamment pris en compte pour la délivrance de l’autorisation, le nombre de meublés de tourisme, la diversité de l’offre commerciale, ou encore l’offre hôtelière existante dans le secteur considéré.

Troisièmement, s’agissant des locaux commerciaux visés par le IV bis de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme, le décret précise que ce sont « les locaux inclus dans des constructions dont la destination est le commerce et les activités de service au sens du 3° de l’article R. 151-27 du code de l’urbanisme », ou, pour les Communes dont les PLU relèvent du régime antérieur à la loi ALUR du 24 mars 2014 « les locaux inclus dans des constructions dont la destination est le commerce, l’hébergement hôtelier ou l’artisanat au sens de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ».

Cela revient-il à dire que la nouvelle règlementation ne peut s’appliquer aux locaux commerciaux situés en pieds d’immeubles affectés pour partie à usage commercial en rez-de-chaussée et pour partie à usage d’habitation dans les étages ? Interprété littéralement, le texte exclut de ce nouveau régime d’autorisation les locaux commerciaux situés dans des immeubles à usage mixte d’habitation et commercial. Pourtant, ce sont ces locaux qui sont les plus impactés par la multiplication des meublés de tourisme.

Les délibérations prises par les Communes apporteront davantage de précisions sur les modalités pratiques d’application de cette règlementation. En tout état de cause, au regard de ce qui précède, on peut légitimement penser que la Métropole et la Commune de Lyon se saisiront de ce nouvel outil juridique dans les mois à venir, comme elles envisagent de le faire avec le permis de diviser.

Marion Marichy

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24/01/2022