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Engagement de construire et l’interprétation (trop ?) audacieuse de la Cour d’Appel de Paris

S’il est encore besoin de le rappeler, lorsqu’un promoteur prend, dans son acte d’acquisition un engagement de construire un immeuble neuf dans le délai de 4 ans, conformément aux dispositions de l’article 1594-0 G du CGI, il est exonéré de droit d’enregistrement (normalement calculés au taux de 5,80 %).

L’article 1594-0G précité prévoit que cet engagement doit être pris dans l’acte d’acquisition initial. A défaut, un tel engagement pris postérieurement ne devrait pas être valable.

Pour autant, l’Administration fiscale admet par mesure de tolérance, que « l’engagement puisse être pris dans un acte complémentaire présenté au service des impôts du lieu de situation de l’immeuble en charge de l’enregistrement » sans l’encadrer dans un délai particulier.

Mais rappelons que le principal intérêt de cet engagement, au-delà des conséquences en matière de TVA, est le bénéfice de l’exonération des droits de mutation.

Ainsi, lors de la prise d’un engagement de construire, postérieurement à l’acte d’acquisition initial, il conviendra en parallèle de solliciter un remboursement des droits payés à l’origine.

C’est la raison pour laquelle l’Administration précise « qu’en pareil cas, la restitution des droits de mutation perçus initialement peut être effectuée sur demande formulée dans les limites du délai de réclamation prévu à l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ».

En encadrant dans le temps la restitution des droits de mutation, elle encadre également dans le temps la prise d’un engagement de construire postérieurement à l’acte.

Il était jusqu’à présent généralement admis que le délai de réclamation de l’article R 196-1 du Livre des Procédures Fiscales (31 décembre de la 2e année) avait pour point de départ, l’année « du versement de l’impôt » dont le contribuable demande le remboursement (ie : l’année d’acquisition de l’immeuble)

Cet article prévoit en effet que « Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l’administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas :

a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d’un avis de mise en recouvrement ;

b) Du versement de l’impôt contesté lorsque cet impôt n’a pas donné lieu à l’établissement d’un rôle ou à la notification d’un avis de mise en recouvrement ;

c) De la réalisation de l’événement qui motive la réclamation. (…)»

Dès lors, pour une acquisition le 22 décembre 2010 dans laquelle aucun engagement n’est pris, tout engagement de construire pris postérieurement au 31 décembre de la 2eannée suivante soit après le 31 décembre 2013 (en l’espèce les droits ont dû être versés par le Notaire en janvier 2011) ne pouvait plus permettre de solliciter le remboursement des droits payés le 22 décembre 2010 (mais versés par le Notaire en 2011) et l’engagement de construire devenait sans effet (en matière de DMTO).

Mais c’était sans compter sur l’analyse audacieuse de la Cour d’Appel de Paris (Arrêt de la Cour d’Appel de Paris 18 novembre 2019, n°18/09394), qui considère, sur le fondement de l’article R 196-1 c) du LPF, que la prise d’un engagement de construire, postérieurement à l’acte initial (en l’espèce le 26 juin 2014 soit environ 6 mois après le délai de forclusion tel qu’il ressort du a) de l’article R 196-1 du LPF) constitue un évènement qui motive la réclamation et c’est donc à compter de cet évènement (la prise d’un engagement de construire le 26 juin 2014) que débute le délai de forclusion qui en l’espèce s’achevait le 31 décembre 2016.

La demande de remboursement étant intervenue le 4 juillet 2014, elle était donc, selon la Cour, recevable.

Cette solution entrouvre des possibilités assez étonnantes pour des contribuables qui penseraient ne plus être dans le délai de réclamation.

On attendra de voir si le Ministre se range à cette analyse ou s’il se pourvoit en cassation dans cette affaire.

 

Jérôme Lacourt

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21/11/2019