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TVA sur marge : un sursis octroyé aux marchands de biens pour les opérations en cours

Dans la continuité de la retentissante affaire Icade Promotion, le député Romain Grau a sollicité auprès de l’administration la clarification de certains points afin de sécuriser la position des professionnels de l’immobilier, fragilisés par l’interprétation donnée par le juge européen du champ d’application de la TVA sur marge.

Pour rappel, dans sa décision « Icade Promotion SAS » du 30 septembre 2021 (CJUE, 30 septembre 2021 aff. C-299/20), la CJUE a livré son interprétation du mécanisme de TVA sur marge prévu à l’article 392 de la directive TVA n° 2006/112/CE en réduisant considérablement son champ d’application par la référence à la notion de « circuit commercial ».

En réponse à la première question préjudicielle transmise par le Conseil d’État, le juge européen a conclu que le régime de la taxation sur marge s’applique aux livraisons de terrains à bâtir :

  • Non seulement lorsque l’acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire la taxe ;
  • Mais également, et c’est un ajout par rapport aux conditions de l’article 268 CGI commentées par la doctrine administrative, lorsque l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA (qu’elle ait été hors champ ou exonérée de TVA) mais uniquement lorsque le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial.

Ainsi, la Cour de justice de l’UE semble dessiner un critère supplémentaire d’appartenance de l’immeuble à un circuit économique rendant le régime de taxation sur marge uniquement applicable si le bien a déjà fait l’objet, dans le passé, d’une taxation à la TVA.

Dans sa question au ministre, le député Romain Grau cherchait à sécuriser les opérations immobilières en cours en ayant la confirmation que les conséquences de la jurisprudence « Icade Promotion » sur le droit interne ne seraient pas applicables aux opérations pour lesquelles une promesse de vente aura été signée ou une autorisation d’urbanisme obtenue avant la date de publication des commentaires administratifs mis à jour.

Dans sa réponse publiée au Journal Officiel le 1er février 2022, le Ministre confirme le bénéfice de la garantie fiscale de l’article L80 A du LPF aux situations en cours en affirmant que les évolutions jurisprudentielles n’ « ont pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours ».

De cette manière, et en prévision de la mise à jour des commentaires administratifs au regard de la jurisprudence européenne et de la prochaine décision du Conseil d’Etat, les opérateurs sont sécurisés quant à l’application du régime de TVA sur marge tel que connu aujourd’hui dès lors qu’au jour de l’acquisition du bien considéré (ou de la signature d’un compromis de vente) les commentaires du BOFIP n’ont pas été modifiés.

Cette réponse ministérielle reporte ainsi l’entrée en vigueur de modifications substantielles pour les professionnels de l’immobilier et les praticiens dans le cadre de l’application de la TVA sur marge à la revente.

Après la publication des futurs commentaires administratifs (probablement sous la référence BOI-TVA-IMM-10-20-10), toute acquisition de terrain à bâtir devrait entrer dans le champ de ces nouveaux commentaires marqués par les incertitudes quant à l’interprétation de la notion de circuit commercial et laissant présager la disparition progressive de l’application du mécanisme de TVA sur marge, à tout le moins pour les lotisseurs.

Mathilde Noir et Jérôme Lacourt

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28/02/2022