L’avocat général a présenté ses conclusions dans l’affaire Icade Promotion SAS le 20 mai 2021.
Cette affaire fait suite à la saisine de la CJUE par le Conseil d’Etat d’une double question préjudicielle relative au régime de la TVA sur marge applicable aux cessions de terrains à bâtir résultant de la combinaison des articles 257 et 268 du Code général des impôts dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la réforme de la TVA immobilière de 2010.
Cette affaire pourrait, néanmoins, avoir de graves répercussions sur le régime actuel de la TVA sur marge.
Le Conseil d’Etat a saisi la CJUE de deux questions préjudicielles concernant l’interprétation de l’article 392 de la Directive TVA qui autorise les Etats membres à taxer sur la marge les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition.
La première question posée à la CJUE porte sur l’interprétation de la partie de la phrase de l’article 392 qui prévoit que l’assujetti « n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition», la société Icade Promotion SAS soutenant qu’elle conduit à faire obstacle à l’application du régime de TVA sur marge lorsque l’acquisition de l’immeuble a été placée hors du champ d’application de la TVA.
L’avocat général répond à cette question de la manière suivante :
« L’article 392 de la directive TVA doit être interprété en ce sens qu’il permet d’appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA, sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n’a pas été soumise à la TVA au motif que cette opération ne relevait pas du champ d’application de celle‑ci, alors que le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial (non assujetti).
Toutefois, cette disposition ne s’applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l’acquisition initiale en tant que terrains non bâtis était exonérée du champ d’application de la directive TVA. »
Cette réponse soulève une multitude de questions, l’avocat général considérant d’une part, que le régime de la marge serait subordonné à ce que le vendeur initial ait supporté de la TVA sur le bien acquis par l’acheteur-revendeur, d’autre part que la revente d’un terrain à bâtir précédemment acquis en tant que terrain non bâti ne serait pas éligible au régime de la marge.
Les conclusions de l’avocat général sur la deuxième question préjudicielle, rendues dans un sens contraire à la position soutenue par la France, ne sont pas moins surprenantes et exemptes de critiques.
L’avocat général considère, en effet, que le régime de la TVA sur marge ne s’applique pas à la revente de terrains à bâtir qui ont fait l’objet entre le moment de leur acquisition et le celui de leur revente de travaux permettant leur desserte par divers réseaux (voirie, eau potable, électricité, gaz, assainissement, télécommunication, etc.) considérant là qu’il s’agit de travaux « d’envergure ».
Selon l’avocat général, la condition d’achat en vue de la revente exigée par l’article 392 s’oppose à la réalisation de travaux de viabilisation et d’aménagement ainsi qu’à la réalisation de raccordement de divers réseaux au motif que ces travaux conduiraient à une modification des caractéristiques des terrains, voire à un commencement d’une opération de construction d’un immeuble neuf, et ainsi à la création d’une valeur ajoutée justifiant l’application du régime de droit commun de la TVA sur le prix de vente.
En suivant à la lettre la lecture des conclusions et dans la mesure où les travaux de viabilisation de terrains à bâtir consistent pour l’essentiel à apporter en limite de propriété sur une surface de quelques mètres carrés, des arrivées de réseaux, doit-on comprendre que cela contamine le régime fiscal de toute la parcelle ?
Comment devra-t-on qualifier la cession d’un tel terrain à bâtir ? gardera-t-il sa qualification ou devient-il un immeuble neuf ?
En revanche, mais ce n’est qu’une maigre consolation, une simple division cadastrale permettant la vente d’un terrain en plusieurs lots ne devrait pas aboutir, selon l’avocat général, à faire obstacle au régime de la TVA sur marge.
Nous attendons avec impatience l’arrêt de la Cour qui, nous l’espérons, règlera plus de problème qu’il ne posera de question.
Julie Ducerf et Jérôme Lacourt
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17/06/2021