Plus-values en report : la règle du taux historique balayée par la CJUE ?
2 octobre 2019
Le Conseil Constitutionnel valide sans réserve la fin du verrou de Bercy
3 octobre 2019

Les promoteurs immobiliers pénalisés par le nouveau dispositif de limitation de déductibilité des charges financières ?

La loi de finances pour 2019 a refondu l’ensemble des régimes de déductibilité des charges financières des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés et l’administration a récemment mis en consultation publique jusqu’au 30 septembre 2019 ses commentaires détaillés de ce nouveau dispositif.

L’analyse de ces commentaires permet d’ores et déjà d’identifier quels seront les enjeux et difficultés auxquels les entreprises devront faire face lors de leur première application du dispositif.

Les promoteurs seront à notre sens fortement impactés par cette réforme alors qu’ils bénéficiaient jusqu’alors d’une tolérance administrative particulièrement favorable.

En effet, sous l’ancien régime de la sous-capitalisation, les promoteurs immobiliers qui incorporaient au coût de revient de leur stock les frais financiers générés par l’opération bénéficiaient d’une tolérance administrative qui admettait que ces intérêts soient exclus du dispositif de lutte contre la sous-capitalisation (article 212 II), y compris lorsqu’ils étaient déduits ultérieurement, de manière indirecte, lors de la cession de l’actif. (BOI-IS-BASE-35-20-20-20-20141208).

Ainsi, les intérêts stockés par les promoteurs, même nés de dettes souscrites auprès d’entreprises liées, n’étaient jamais frappés par le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation y compris lorsque les intérêts étaient déduits lors de la constatation de la marge par l’opérateur immobilier au moment de la cession de l’actif.

La lecture des commentaires mis en consultation publique par l’administration nous laisse penser que cette tolérance ne serait pas reconduite.

Bien au contraire, l’incorporation en stock des frais financiers aurait probablement des effets pervers pour l’application du nouveau dispositif.

En effet, dans ses commentaires, l’administration rappelle que dans l’hypothèse où les intérêts d’emprunt sont incorporés au coût de revient d’une immobilisation ou d’un stock, les frais financiers ne sont pas dans l’assiette des charges financières nettes au titre de l’exercice de leur engagement dans la mesure où ils sont extournés du compte de résultat pour être inscrits à l’actif par l’utilisation d’un compte de transfert de charge.

Elle précise que les intérêts sont déduits ultérieurement du résultat fiscal soit par le biais de charges d’amortissement, soit à la date de la cession, ou de la mise au rebut de l’actif, reprenant ainsi le concept de la « déduction indirecte » qui était déjà utilisé dans l’ancien dispositif.

Toutefois, à la différence de ce qu’elle avait admis par le passé, l’administration part du principe qu’en présence d’un actif non amortissable, comme un stock, « les intérêts d’emprunt devront être inclus dans l’assiette des charges financières nettes de l’exercice de cession ou de mise au rebut, pour leur montant total. »

Pour les promoteurs immobiliers incorporant leurs frais financiers au coût de revient du stock, cela signifie qu’ils devront donc prendre en compte l’intégralité des intérêts stockés dans l’assiette des charges financières nettes au titre de l’année où ils céderont le stock.

Le montant d’intérêts générés durant toute l’opération pris en compte en intégralité lors du déstockage peut aggraver clairement le risque que la société déclenche l’application du dispositif de limitation de déduction des charges financières en dépassant les seuils prévus par la loi (3 millions d’euros ou 30% de l’EBITDA fiscal pour les entreprises non sous-capitalisées).

Il est vrai que l’exercice de déstockage de l’immeuble est probablement celui où l’EBITDA fiscal sera le plus important pour la société porteuse du projet qui lui permettra éventuellement d’échapper à l’application de ce nouveau rabot.

Mais pour s’en assurer, encore faudra-t-il prendre en considération de nombreux autres paramètres que l’on retrouve généralement dans les groupes immobiliers :

  • Les règles particulières applicables aux sociétés de personnes ;
  • Les critères de la sous-capitalisation ayant pour effet d’aggraver les seuils d’application du dispositif ;
  • L’appartenance à un groupe fiscalement intégré obligeant à consolider certains seuils d’application du dispositif ;
  • L’appartenance à une groupe consolidé permettant de faire jouer la clause de sauvegarde

De façon très concrète, le dispositif va poser également d’autres problématiques pratiques dont les opérateurs devront avoir conscience :

  • En cas de déstockage partiel (ex : livraison d’une première tranche d’un ensemble immobilier), l’opérateur devra être en capacité d’identifier analytiquement la part de frais financier à rattacher à cette partie de stock ;
  • En cas d’acquisition d’un immeuble inscrit en immobilisation et faisant l’objet d’amortissement, l’opérateur devra pouvoir déterminer la part de frais financiers déduite au travers des amortissements.

Si les commentaires de l’administration aident à clarifier certaines modalités d’application de ce nouveau dispositif, il ne fait aucun doute que sa mise en œuvre sera complexe pour les entreprises et ne manquera pas de soulever de nombreuses interrogations pratiques.

 

Loïc BROISE

En savoir plus sur Archimède Avocats & Associés