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Forfaitaires : y a-t-il le feu au lac ?

Le Tribunal Fédéral (TF) suisse vient de rendre une décision bien étrange qui ressemble, à s’y méprendre, à une tentative pour mettre le feu au lac Léman (2C 625/2018).

Interrogé sur la question de savoir si le fisc français était légitime à obtenir communication, dans le cadre de l’échange de renseignements organisé par la convention fiscale conclue entre la France et la Suisse, du régime d’imposition en Suisse d’un ressortissant français (le fisc français voulait savoir si l’intéressé était imposé à la dépense ou au rôle ordinaire) le Tribunal Fédéral a fondé sa décision sur le considérant de principe qui suit :

« Il convient, dans ce contexte, de déterminer si le mode d’imposition en Suisse de la personne visée par une demande d’assistance administrative internationale en vue de déterminer son éventuelle résidence fiscale dans l’Etat requérant peut se révéler un élément vraisemblablement pertinent. A cet égard, la CDI CH-FR contient une disposition qui, visiblement, a échappé à l’instance précédente, et qui permet d’emblée de répondre positivement à cette question. »

L’art. 4 par. 6 let. b CDI CH-FR dispose en effet que  n’est pas considérée comme résident d’un État contractant au sens du présent article une personne physique qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État.  Il ressort du texte de cette disposition qu’une personne imposée d’après une dépense calculée sur la base de la valeur locative de la propriété n’est pas considérée comme résidente au sens de l’art. 4 CDI CH-FR (XAVIER OBERSON, Précis de droit fiscal international, 4e éd. 2014 p. 109 § 345). »

L’administration fiscale française n’en demandait pas tant !

L’éminent Professeur Oberson doit être bien meurtri de voir son nom associé à une décision aux fondements aussi contestables.

Au lieu de stigmatiser le Tribunal administratif fédéral à qui aurait échappé, selon le TF, l’existence de l’article 4-6 b) de la convention franco-suisse, ce dernier devrait bien plutôt s’interroger sur sa propre connaissance de la norme fiscale suisse.

Fort heureusement pour les citoyens français qui se sont installés en Suisse et qui ont fait le choix d’être imposés à la dépense, ils peuvent compter sur le professionnalisme des juridictions administratives françaises qui auront le dernier mot en la matière.

Or, la situation des personnes imposées à la dépense au regard de l’article 4-6 b) précité est bien plus complexe que ce que le simplisme du raisonnement du TF pourrait laisser penser.

Comment les forfaitaires qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale mais simplement locataires pourraient-ils relever de cette clause qui requiert la « possession » d’une résidence en Suisse ? Quid également des personnes imposées au calcul de contrôle et de celles qui ne sont pas imposées sur une valeur locative mais sur une estimation de leurs dépenses de train de vie ? Sans parler du fait qu’il résulte sans ambiguïté des travaux préparatoires à la signature de la convention franco-suisse que cette disposition ne visait à l’origine que les personnes soumises en France à l’imposition prévue à l’ancien article 164 C du code général des impôts français…

Notre avis est qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure des répercussions de cette fâcheuse décision.

Il n’y a pas le feu au lac.

 

Jérôme Queyroux

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