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Charges financières : les dispositifs de limitation de la déductibilité des charges financières réformés en profondeur

L’article 34 de la loi de finances pour 2019 a procédé à une refonte de l’ensemble du régime de déductibilité des charges financières des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Le législateur transpose en droit interne les principes issus de l’article 4 de la directive Atad inspirée des recommandations du projet Beps mené par l’OCDE.

En conséquence de nombreux dispositifs de limitation de la déductibilité des charges financières dont l’articulation était complexe sont supprimés tels que :

  • Le dispositif dit du « rabot fiscal » prévu à l’article 212 bis du CGI ;
  • Le dispositif dit de « l’amendement Carrez » prévu à l’article 209 IX du CGI qui interdisait la déduction des charges financières afférentes à l’acquisition de titres de participation lorsque la société qui acquérait les titres n’était pas en mesure de démontrer que le pouvoir de décision sur les titres ainsi que le contrôle de la participation étaient exercés soit en France, soit dans un Etat de l’UE ou de l’EEE.
  • Le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation prévu à l’article 212, II du CGI. Ce dernier est toutefois intégré, avec des modifications substantielles, au nouveau plafonnement.

Le dispositif bien que présentant l’avantage de simplifier réduire le nombre de dispositif reste particulièrement complexe et envisage de nombreuses situations.

Le principe général est que la déduction des charges financières nettes (déterminées comme dans le cadre du « rabot » avec quelques évolutions), et rendues déductibles après application de l’article 212 I du CGI (limite du taux d’intérêt servi aux entreprises liées à un taux de référence et non-déduction des charges d’intérêt versées à des entreprises liées lorsque les produits correspondant ne sont pas soumis par ces dernières à une imposition minimale correspondant à 25% de l’IS), est plafonnée à 30% d’un bénéfice retraité proche de l’EBITDA (Ebitda fiscal) ou à 3 millions d’euros si ce montant est supérieur.

Dans l’hypothèse où ces plafonds seraient dépassés, le législateur a prévu des mécanismes de déductions supplémentaires des charges financières pour les entreprises membres d’un groupe consolidé, de report de charges financières non admises en déduction et des capacités de déduction inemployées au titre d’un exercice.

Par ailleurs, le dispositif de lutte contre la sous-capitalisation a été intégré à l’article 212 bis du CGI mais avec des évolutions majeures.

Désormais, le seul dépassement du ratio d’endettement suffit à caractériser une situation de sous-capitalisation. Les ratios de couvertures d’intérêts et d’intérêts servis à des entreprises liées ont été supprimés.

Une société est donc en état de sous-capitalisation lorsque le montant moyen de ses dettes vis-à-vis d’entreprises liées excède une fois et demie le montant de ses fonds propres.

Il faut noter que les modalités de calcul de ce ratio ont été quelque peu assouplies sur deux points :

  • Le législateur a eu recours à la notion de fonds propres plus large que celle de capitaux propres utilisée dans l’ancien dispositif (prise en compte d’avances conditionnées, titres participatifs…) ;
  • Les dettes vis-à-vis d’entreprises tierces garanties par des entreprises liées ne seraient plus prises en compte.

Une société en état de sous-capitalisation se voit lourdement pénalisée par une capacité réduite de déduction de ses charges financières.

En effet, elle est contrainte de déterminer deux assiettes de charges financières nettes :

  • L’une correspondant aux intérêts relatifs à la dette vis-à-vis d’entreprises non liées et à la dette vis-à-vis d’entreprises liées n’excédant pas une fois et demie les fonds propres. La déduction est alors possible à hauteur de 30 % de l’Ebitda fiscal proratisé ou de 3 M € proratisés si ce dernier montant est plus élevé ;
  • L’autre correspondant aux intérêts relatifs à la dette vis-à-vis d’entreprises liées excédant une fois et demie les fonds propres. La déduction est limitée à 10 % de l’Ebitda fiscal proratisé ou à 1 M € proratisé si ce dernier montant est plus élevé.

Par ailleurs, la société sous-capitalisée ne peut pas bénéficier du mécanisme de la déduction supplémentaire prévue pour les entreprises qui appartiennent à un groupe consolidé. En revanche, elle peut échapper à l’application du plafond minoré, si, comme dans l’ancien dispositif, elle rapporte la preuve que le groupe consolidé auquel elle appartient est davantage sous capitalisé.

Enfin, dans l’hypothèse où un groupe fiscal intégré aurait été constitué, les règles s’appliqueraient non au niveau de chacune des sociétés du groupe mais au niveau du groupe intégré avec de nombreuses spécificités. Ainsi, le groupe devra déterminer un Ebitda fiscal du groupe et procéder à l’éventuelle réintégration au niveau du résultat d’ensemble du groupe.

Toutefois, les société membres devront également déterminer leur propre plafonnement pour déterminer leur résultat comme en cas d’imposition séparée (tableau 2058-A bis) afin de déterminer le montant de la participation accordée à leurs salariés et éventuellement leur contribution à l’impôt du groupe dans le cas de l’application du principe de neutralité au sein du groupe.

Ce nouveau régime s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 et nous attendons avec intérêt les commentaires administratifs sur de nombreux points techniques. A ce titre, l’administration fiscale a d’ores et déjà lancé une consultation publique préalable aux commentaires administratifs.

Loïc BROISE

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