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Apport-cession : un texte et des commentaires qui nécessitent encore des éclaircissements

Le dispositif d’« apport-cession de titres » encadré par l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts fait partie des outils incontournables à la disposition de l’associé/dirigeant d’une société qui envisage de céder sa participation.

Cette opération n’est pas exclusive d’autres dispositifs pouvant être mis en place avant la cession notamment lorsque le cédant souhaite profiter de ce moment stratégique pour transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants.

Il est donc indispensable d’engager une réflexion suffisamment en amont de la cession pour arbitrer les différentes options possibles en adéquation avec les projets et contraintes futurs qui sont propres à chaque cédant.

Pour rappel, l’article 150-0 B ter du CGI prévoit un mécanisme de report d’imposition à l’occasion des plus-values constatées dans le cadre d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qui est contrôlée par l’apporteur.

En contrepartie de cet apport, l’apporteur reçoit des titres de la société holding, qui elle-même détiendra les titres de la société opérationnelle. Dans un second temps, les titres apportés seront cédés par cette société holding ce qui n’engendrera aucune plus-value imposable, étant donné que la valeur de cession des titres sera égale à la valeur d’apport des titres.

Par principe, la cession des titres apportés entraîne l’expiration du report d’imposition de la plus-value d’apport, et, par conséquent, l’imposition immédiate de cette plus-value lorsqu’un tel événement intervient dans un délai de trois ans, décompté de date à date, à partir de la date de réalisation de l’apport.

Toutefois, le texte de l’article 150-0 B ter du CGI permet de proroger le différé d’imposition lorsque la société prend l’engagement de réinvestir dans une activité économique au moins 60 % du produit de la cession. Elle dispose pour cela d’un délai de deux ans à compter de la cession selon des conditions strictes fixées par le texte.

En clair, l’esprit de ces dispositions est donc de permettre d’éviter une imposition immédiate de la plus-value au moment de la cession à hauteur des titres que le cédant souhaite apporter à la société holding à la condition que cette dernière réinvestisse une part substantielle du produit de cession dans le circuit économique, sans se comporter comme un simple prêteur de deniers ou gestionnaire de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.

Même si l’article 150-0 B ter du CGI, institué en 2012, a permis d’apporter une sécurité juridique au montage d’apport-cession en fixant précisément les conditions strictes des réinvestissements éligibles, il n’en demeure pas moins que certaines zones d’ombre subsistent pour lesquelles notre cabinet a sollicité Bercy par plusieurs rescrits pour obtenir des précisions sur les points précis suivants.

 

  1. Réinvestissement du produit de cession des titres apportés dans une holding non animatrice

Pour la société holding d’apport-cession, le réinvestissement économique peut prendre la forme d’une souscription directement au capital d’une société opérationnelle, d’une holding animatrice ou encore dans une holding non animatrice qui a pour objet social exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles.

En particulier pour la holding non animatrice, la doctrine administrative (§ 200 du BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20, 18/08/2020, n° 200) opère un renvoi à un autre dispositif applicable au cédant partant à la retraite (§ 60 du BOI-RPPM-PVBMI-20-40-10-20, 20/12/2019) qui apporte des précisions d’ordre pratique pour apprécier la notion précitée d’objet social exclusif.

Ainsi, il résulte de cette doctrine administrative que la condition relative à l’exclusivité de l’objet social est considérée comme satisfaite lorsque l’actif brut comptable de la société est représenté à hauteur de 90 % au moins en parts, titres de capital ou donnant accès au capital émis par des sociétés opérationnelles ou des sociétés holding animatrices et en avances en compte courant à ces mêmes sociétés.

A titre de règle pratique essentielle, l’administration ajoute dans ses commentaires que cette proportion de 90 % est vérifiée uniquement à la clôture de l’exercice lors de l’établissement du bilan.

Au regard de ce renvoi à des règles pratiques d’un autre dispositif imparfaitement transposable au réinvestissement dans le cadre d’un apport-cession, nous avons sollicité Bercy pour sécuriser les investisseurs sur l’éligibilité du remploi.

Dans ce contexte, nous avons demandé la confirmation que la condition d’exclusivité de l’objet social d’une société holding non animatrice nouvellement constituée sera bien appréciée à la clôture de son premier exercice et que cette date d’appréciation n’est d’ailleurs pas modifiée en présence d’une durée d’un premier exercice de plus de 12 mois.

Cette solution pourrait, certes, aboutir à allonger le délai effectif de réinvestissement au-delà des 24 mois prévus par le texte mais elle nous semble être la seule compatible avec les termes de la doctrine administrative.

 

  1. Méthode applicable en cas de cession partielle des titres apportés

En cas de cession partielle de titres apportés par la holding d’apport-cession, le texte de l’article 150-0 B ter du CGI prévoit qu’il est mis fin au report d’imposition de la plus-value dans la proportion des titres cédés.

Toutefois, la société holding n’a pas nécessairement acquis l’intégralité des titres cédés dans le cadre d’un apport mais potentiellement aussi par d’autres modes d’acquisition ne générant pas de report d’imposition.

Lorsque les titres sont numérotés, la réponse peut paraître plus simple puisqu’il est alors possible d’identifier si la cession d’une quote-part des titres peut être regardée comme portant sur des titres entraînant ou non une déchéance du report d’imposition.

Toutefois, il convient de relever que la numérotation des titres concerne classiquement des parts sociales. La numérotation d’actions est plus rare et la validité juridique d’une telle pratique n’est tranchée ni par la jurisprudence ni par la doctrine.

Ainsi, nous avons sollicité l’administration fiscale afin d’avoir confirmation que cette numérotation lui était opposable et que dans une telle hypothèse la cession d’une partie des actions n’entraînerait déchéance du report que pour autant qu’elle porterait sur des titres numérotés dont l’apport a été réalisé moins de trois ans avant la cession.

Le cas échéant, à défaut de tenir compte de la numérotation des titres, nous avons demandé la confirmation de la méthode applicable.

En raisonnant par analogie avec d’autres régimes (calcul de l’abattement pour durée de détention des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux, plus-value de cession de titres participation, report d’imposition de l’article 151 octies du CGI), il nous semble cohérent de considérer que les titres les plus anciens sont cédés en priorité (méthode dite « PEPS »).

 

D’autres rescrits pourraient être portés devant l’administration par exemple en rapport avec les modalités de sortie des fonds de la holding après un apport-cession sans réinvestissement et une imposition de la plus-value en report. En effet, dans cette situation, le droit fiscal ne prévoit pas de mécanisme de neutralité automatique de la réappropriation des fonds par l’apporteur.

Les fonds peuvent donc se trouver « piégés » dans la holding alors même que l’impôt a été payé par le contribuable !

L’article 150-0 B ter du CGI comporte encore de nombreuses zones d’incertitude près de 9 ans après son entrée en vigueur. Cela nuit à la sécurité juridique des opérations des contribuables et le recours à des demandes de prise de position formelle par l’administration est bien souvent l’unique solution pour envisager sereinement des opérations critiques pour le patrimoine de nos clients.

 

Thomas Liege

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12/04/2022