Nombreux sont les établissements industriels ayant dû engager, pour l’exercice de leur activité, des coûts importants en vue de l’installation de dispositifs de lutte contre les incendies (installations dites de « sprinklage »)
Évidemment, l’objet de ces installations est avant tout de protéger les salariés de l’entreprise et l’outil de production.
Mais la réalité est que les entreprises n’ont pas toujours le choix de réaliser ou non ces installations et, bien souvent, elles y sont contraintes légalement (ex : installations classées pour la protection de l’environnement…) ou contractuellement par leurs assureurs qui, à défaut, refusent de couvrir leurs risques d’exploitation.
Ces contraintes peuvent nécessiter que les entreprises engagent de lourds investissements dans ces installations de sprinklage pour exercer leur activité.
Elles se retrouvent alors doublement pénalisées car ces installations coûteuses peuvent générer un surcoût en matière de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises en majorant fortement la valeur locative imposable déterminée selon la méthode dite comptable.
Dans certains secteurs industriels comme celui de la chimie, la question de l’assujettissement à ces impôts de ces installations s’est rapidement posée dans la mesure où elles semblaient spécifiques et très étroitement liées à l’exercice de l’activité professionnelle.
Il a donc été soutenu devant les tribunaux que ces biens devaient être exonérés de ces taxes au motif qu’ils avaient la nature de « biens d’équipement spécialisés » au sens des dispositions de l’article 1382.11° du CGI.
Les entreprises se sont d’abord heurtées à des décisions défavorables et dans un arrêt de principe rappelant la définition des biens d’équipement spécialisés, le Conseil d’État avait considéré (CE 25 septembre 2013 n° 357029, 8e et 3e s.-s., SAS Les Menuiseriesdu Centre) que, s’agissant d’une entreprise de menuiserie, les installations de sprinklage ne répondaient pas à cette définition au motif qu’elles ne participaient pas directement à l’activité industrielle de l’établissement et qu’elles n’étaient pas dissociables des immeubles auxquels elles s’incorporaient.
Cet arrêt était systématiquement repris par l’administration pour justifier l’imposition des installations de sprinklage.
Toutefois, dans un arrêt GKN Driveline en date du 11 décembre 2020, la formation plénière du Conseil d’État a redéfini les contours de la notion des biens d’équipement spécialisés.
Ces biens sont désormais définis comme des biens qui sont « spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d’être exercées dans un établissement qualifié d’industriel au sens de l’article 1499, et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l’article 1381 ».
Le Conseil d’État a donc clairement abandonné le critère de la dissociabilité des immeubles et paraissait en outre avoir élargi la notion des biens d’équipement spécialisés en faisant référence à des biens « spécifiquement adaptés » à des activités « susceptibles d’être d’exercées » « dans un établissement industriel ».
Dans un contentieux mené par le cabinet, nous avons soutenu que cette évolution de la jurisprudence permettait de considérer que des installations de sprinklage qui avaient été construites « sur mesure » et conformément aux besoins d’une entreprise exerçant dans le secteur de la chimie constituaient des biens d’équipement spécialisés.
Confirmant notre analyse dans un arrêt du 23 juin 2022 (Stéarinerie Dubois Fils SA), le Conseil d’État a cassé le jugement du Tribunal Administratif de Limoges pour erreur de droit au motif qu’il lui appartenait de rechercher si ce système de « sprinklers » était spécifiquement adapté aux activités « susceptibles d’être exercées dans un établissement industriel », et non « spécifiquement adapté à l’activité industrielle de fabrication d’esters gras exercée dans l’établissement ».
Parallèlement, concernant la même question de l’imposition des installations de lutte contre l’incendie de cette même entreprise mais relative à une période d’imposition différente, la société a été notifiée d’un jugement du Tribunal Administratif de Limoges (TA de Limoges, 23 juin 2022 n° 2000902) reprenant le considérant de principe du Conseil d’État et jugeant au fond que « les sprinklers de la société Stéarinerie Dubois Fils doivent être regardés comme spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d’être exercées dans un établissement qualifié d’industriel ».
Les installations de lutte contre les incendies peuvent donc désormais faire l’objet d’une exonération de taxe foncière et de cotisation foncière des entreprises.
Les entreprises propriétaires de telles installations auront donc tout intérêt à s’interroger sur l’opportunité d’introduire une réclamation contentieuse afin de solliciter un possible dégrèvement de ces impositions.
En savoir plus sur Archimède Avocats & Associés
28/06/2022