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Pacte Dutreil : focus sur l’extension de l’engagement réputé acquis aux sociétés interposées

La loi de finances pour 2019, source de plusieurs assouplissements du régime du Pacte Dutreil, a ouvert le bénéfice de l’engagement réputé acquis aux sociétés interposées, alors que ce dispositif était auparavant réservé aux sociétés détenues directement par l’auteur de la transmission.  

Prévu par l’article 787 B du CGI, le dispositif du pacte Dutreil permet de réduire les droits dus lors de la transmission par succession ou donation de titres de sociétés exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (activité opérationnelle).

Ce dispositif, qui prend la forme d’une exonération partielle à hauteur de 75% de la valeur des titres transmis, est notamment soumis aux conditions suivantes :

  • Condition d’engagement collectif de conservation des titres (Pacte Dutreil) :  l’engagement, d’une durée minimale de deux ans, doit avoir été pris par le défunt (ou le donateur), pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec un ou plusieurs autres associés et doit être en cours à la date de la transmission.
  • Condition de seuil : l’engagement collectif de deux ans doit porter sur au moins 10% des droits financiers et 20% des droits de vote de la société pour les sociétés cotées, et au moins 17% des droits financiers et 34% des droits de vote de la société pour les sociétés non cotées (seuils résultant de la loi n°2018-1317 de finances pour 2019, applicables aux engagements souscrits à compter du 1er janvier 2019).
  • Condition d’engagement individuel de conservation des titres : l’acquisition définitive de l’exonération est subordonnée au respect par les bénéficiaires de la transmission d’un engagement individuel de conservation des titres transmis pendant quatre ans, commençant en principe à courir à compter de l’expiration de l’engagement collectif de conservation.
  • Condition d’exercice d’une fonction de direction : par l’un des associés signataires du pacte ou l’un des bénéficiaires de la transmission, au sein de la société objet de l’engagement, pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission.

On rappelle que l’exonération peut également s’appliquer aux transmissions de titres de sociétés interposées détenant une participation dans la société dont les titres font l’objet du pacte, dans la limite de deux niveaux d’interposition.

Lorsqu’aucun engagement collectif de conservation n’a été souscrit à la date de la transmission, il est possible de considérer que celui-ci, sous certaines conditions, peut être « réputé acquis » (CGI, article 787 B-b-2).

En synthèse, le régime de l’engagement réputé acquis revient à considérer qu’une personne qui a rempli l’ensemble des conditions de seuil et de fonction au sein d’une société exerçant une activité éligible pendant les deux ans précédant la transmission, est réputée avoir conclu et respecté un tel engagement collectif.

L’engagement collectif de conservation étant réputé acquis, les bénéficiaires de la transmission n’ont pas à le poursuivre jusqu’à son terme. Cependant, ils doivent prendre l’engagement individuel de conservation des titres pendant quatre ans, qui court à compter de la transmission.

S’agissant d’un régime permettant aux donataires ou héritiers de bénéficier de l’exonération partielle alors même qu’aucun engagement collectif n’a été souscrit avant la transmission, l’engagement réputé acquis est, en soi, un mécanisme source d’une certaine souplesse.

Cependant, il était jusqu’à présent limité aux cas de détention directe de la société objet de l’engagement réputé acquis, ce qui en pratique réduisait sensiblement son domaine d’application.

Le nouveau texte de l’article 787 B-b-2 du CGI, issu de la loi n°2018-1317 de finances pour 2019, prévoit désormais que l’engagement réputé acquis bénéficie aux titres détenus indirectement dans la société cible ayant une activité opérationnelle.

Applicable aux engagements réputés acquis à compter du 1er janvier 2019, cet aménagement apporte à ce dispositif une souplesse supplémentaire bienvenue par rapport au régime antérieur.

Toutefois, le texte introduisant cet aménagement est déjà source de difficultés d’interprétation : une interprétation littérale de ce texte semble permettre de considérer que le « réputé acquis » pourra fonctionner en présence d’une ou deux sociétés interposées au plus entre le défunt (ou le donateur) et la société opérationnelle, alors que les travaux parlementaires préparatoires du texte limitent clairement son application à l’existence d’une seule société interposée (amendement n°I-2186).

Une telle divergence entre l’interprétation littérale du texte et l’esprit du législateur est source d’insécurité juridique.

Dans ce contexte, et dans l’attente que les commentaires administratifs relatifs à cette nouvelle mesure législative soient publiés, une position prudente conforme à l’esprit du législateur doit, à notre sens, être adoptée. En pratique, celle-ci consistera donc à limiter le bénéfice du « réputé acquis » aux sociétés détenues via un seul niveau d’interposition.

En tout état de cause, cette réforme ne dispense pas de rester vigilant sur deux points :

En matière d’engagement collectif de conservation classique, il convient que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif (article 787-b-3 cinquième alinéa du CGI) – et de l’engagement individuel (article 787-c-alinéa 2). Cette condition s’applique également au régime « réputé acquis », ce que confirme le texte comme les travaux parlementaires.

En cas d’engagement réputé acquis, la condition relative à l’exercice d’une fonction de direction dans les trois ans qui suivent la transmission ne semble pas pouvoir être valablement satisfaite par le donateur (voir R.M. n°99759 : JOAN 7 mars 2017, p. 1983, Y. Moreau).

On peut regretter que ce point, sujet à discussion en doctrine, n’ait pas été traité dans le cadre de la loi de finances pour 2019. A défaut d’une telle clarification législative, il convient donc toujours de considérer que c’est l’un des donataires qui doit exercer, pendant cette durée, une telle fonction de direction dans la société objet de l’engagement réputé acquis.

On notera, enfin, qu’en cas de transmission de titres d’une société interposée sous le bénéfice du régime de l’engagement réputé acquis, l’exonération s’appliquera, comme pour le régime de droit commun, à proportion de la valeur réelle de l’actif brut de cette société qui correspond à la participation soumise à l’engagement réputé acquis.

Léa Cupiti

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